Protection de l’acier contre la corrosion : la métallisation comme solution de choix

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16 Avril 2015

Catégorie : Peinture et métallisation  -  Publié par : Éric Lévesque, ing M.Sc & Maxime Ampleman

Les surfaces de ponts en acier sont soumises à de sévères conditions environnementales. Celles-ci ont donc besoin d’un niveau de protection suffisant contre la corrosion pour préserver leur intégrité structurale à long terme. Pour ce faire, quelques approches sont typiquement utilisées. La pièce d’acier peut être :

  • Fabriquée à partir d’un alliage résistant à la corrosion (aciers patinables);
  • Protégée par un revêtement;
  • Protégée par une combinaison de ces dernières.

Parmi les différents revêtements de protection utilisés, la peinture et la galvanisation sont des solutions communes. Un autre revêtement anticorrosion est de plus en plus populaire au Canada et aux États-Unis dans le domaine des ouvrages d’art : la métallisation.

La métallisation est un traitement anticorrosion qui consiste à projeter à grande vitesse un métal en fusion, habituellement du zinc pur à 99,9 %, sur la surface à protéger. Le zinc se solidifie instantanément au contact de la surface et crée une couche qui protège l’acier par isolement et par action sacrificielle. Il s’agit d’un processus électrochimique où un métal moins noble, tel le zinc, se corrode préférablement à l’acier.

Puisque la taille des pièces à galvaniser est limitée par les dimensions des bains en usine, la galvanisation est normalement utilisée pour les éléments secondaires des ponts, tels les contreventements et les dispositifs de retenue. Cependant, pour les éléments principaux des ponts, telles les poutres maîtresses, la métallisation est utilisée puisqu’il n’y a alors pas de dimensions maximales à respecter.

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L’usine de peinture et métallisation de Groupe Canam située à Québec a une superficie de 3 345 m2 (36 000 pi2).
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Le pont Memorial situé entre Kittery, ME et Portsmouth, NH a été entièrement métallisé à l’usine de Groupe Canam située à Claremont, NH. La superficie de l’aire de peinture et métallisation à cette usine est de 3 940 m2 (42 400 pi2).

Résistance au glissement des assemblages boulonnés

En plus d’être résistant à la corrosion, le revêtement utilisé doit préférablement présenter un coefficient de glissement répondant aux besoins des assemblages boulonnés antiglissement. Les normes de conception des ponts nord-américaines (code canadien sur le calcul des ponts routiers CHBDC CAN/CSA S6 et American Association of State Highway and Transportation Officials (AASHTO) Load and Resistance Factor Design (LRFD) Bridge Design Specifications) requièrent que les assemblages boulonnés soient antiglissement lorsque la connexion est soumise à des inversions des charges, à des impacts, des vibrations ou lorsque le glissement peut être préjudiciable à la structure sous les charges de service.

La résistance d’un assemblage antiglissement provient du frottement des pièces connectées sur les plans de cisaillement. Donc, la condition des surfaces de contact est un paramètre critique pour la résistance en service de l’assemblage.

Lors de la conception d’un assemblage antiglissement, l’ingénieur doit connaître le coefficient de glissement entre les surfaces de l’assemblage à utiliser dans les calculs. Les codes fournissent différentes classes de surfaces. Toutefois, ces codes de conception ne spécifient pas la résistance au glissement pour les surfaces de contact qui sont métallisées.

Pour l’instant, les fabricants de ponts sont généralement obligés de masquer les surfaces de contact des connexions boulonnées à métalliser. Ce travail est très laborieux et implique des coûts de construction supplémentaires, puisque le masquage est posé et enlevé manuellement, en utilisant du ruban adhésif, du carton ou des plaques d’acier. Afin de diminuer les coûts de fabrication et de mieux protéger l’acier, la résistance au glissement des surfaces métallisées est maintenant à l’étude.

Le Research Council on Structural Connections (RCSC 2009) présente la méthode standardisée permettant de caractériser la résistance au glissement d’un revêtement. Cette méthode contient deux volets. Tout d’abord, des essais de glissement à court terme sont prévus pour évaluer le coefficient de glissement moyen. Si le coefficient de glissement moyen est satisfaisant, un essai de fluage en traction à long terme est effectué pour s’assurer que le revêtement ne subira pas de déformation significative due au fluage sous une charge constante de traction et que le fluage n’affectera pas défavorablement la résistance à long terme de l’assemblage.

La résistance au glissement des assemblages métallisés fait l’objet d’une étude collaborative débutée en 2012 entre l’Université Laval et Canam-ponts en suivant la procédure décrite par le RCSC (2009).

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Surfaces de contact masquées

Étude en bref

Les essais de glissement à court terme ont été réalisés par Annan & Chiza (2013). Plusieurs combinaisons de paramètres ont été étudiées, telles que :

  • L’épaisseur de métallisation (6 et 12 mils);
  • La force de précontrainte du boulon (70 % et 90 % de la capacité maximale en tension du boulon);
  • L’épaisseur des plaques 12,7 et 15,9 millimètres (1/2 et 5/8 pouce);
  • La présence de petites bavures autour des trous.

Pour chaque combinaison, le coefficient de glissement moyen de cinq essais similaires a été déterminé.

Les résultats ont été très convaincants. En effet, de tous les cas étudiés, le plus faible coefficient de glissement moyen trouvé a été 0,77, obtenu pour un assemblage métallisé à une épaisseur de 6 mils, avec une force de précontrainte égale à 90 % de la capacité maximale en tension du boulon, sans bavures avec une plaque de 15,9 millimètres (5/8 pouce) d’épaisseur. Ce résultat se situe bien au-delà du coefficient de glissement le plus élevé spécifié par les normes nord-américaines, soit celui de la classe B, où le coefficient de glissement moyen est de 0.50. Les coefficients de glissement moyens des autres combinaisons de paramètres sont tous supérieurs à 0,77.

Les essais de fluage à long terme sont présentement en cours. Les paramètres étudiés jusqu’ici ont été :

  • L’épaisseur de métallisation (6 et 12 mils);
  • La force de précontrainte du boulon (70 % et 90 % de la capacité maximale en tension du boulon);
  • La présence de petites bavures autour des trous.

Pour chaque essai, trois assemblages identiques sont placés en série sous une charge de traction soutenue pendant 1 000 heures. Les déformations dues au fluage doivent respecter les limites prescrites par RCSC (2009). Jusqu’ici, tous les spécimens étudiés ont offert un excellent comportement en fluage, tant pour un coefficient de glissement de 0,50 que de 0,55. Les limites ont été respectées dans tous les cas.

De plus, la Federal Highway Administration (Ocel 2014), a procédé à des essais similaires pour des assemblages antiglissement métallisés à une épaisseur de 14 mils. Les résultats sont similaires à ceux obtenus dans les essais avec l’Université Laval et Canam-ponts, soit un coefficient de glissement moyen plus grand que 0,78 et un excellent comportement en fluage qui rencontre les exigences de la classe B (ks = 0,50).

Si la tendance se maintient dans les essais de fluage, les bonnes performances en glissement des surfaces de contact métallisées pourraient influencer une révision des normes de conception nord-américaines, où nous pourrions éventuellement y retrouver une classe spécifique pour la métallisation qui pourrait être supérieure à une classe B, soit un coefficient de glissement supérieur à 0.50. Par le fait même, le masquage des surfaces de contact n’aurait plus à être réalisé, ce qui réduirait les coûts de fabrication et augmenterait la protection de l’acier sur les surfaces de contact.

Photo #2
Essai de fluage à long terme

Références

  • 2012. AASHTO LRFD Bridge Design Specifications, 6th Edition, Washington, DC.
  • Annan, C-D. & Chiza, A. 2013. Characterization of Slip Resistance of High Strength Bolted Connections with Zinc-Based Metallized Faying Surfaces, Elsevier, Engineering Structures 56.
  • CAN/CSA S6-06. 2006. Canadian Highway Bridge Design Code, Canadian Standards Association, Mississauga, Canada.
  • Kulak, G. L., Fisher, J. W. & Struik, J. H. A. 2001. Guide to Design Criteria for Bolted and Riveted Joints, 2nd Edition, Research Council on Structural Connections.
  • Cole, J. 2014, “TechBrief: Slip and Creep of Thermal Spray Coatings,” FHWA-HRT-14-083, Federal Highway Administration, McLean, Virginia, United States.
  • Research Council on Structural Connections (RCSC). 2009. Specification for Structural Joints Using High-Strength Bolts, American Institute of Steel Construction, Chicago, Illinois.

Nos projets en acier métallisé

États-Unis :
Pont Memorial (Kittery, ME/Portsmouth, NH)
Pont Whittier (Newburyport/Amesbury, MA)
Pont de la rivière Pawtucket (Pawtucket, RI)

Canada :
Échangeur des autoroutes 20 et 73 (Lévis, QC)
Pont Dominion (Lévis, QC)
Échangeur des Laurentides (Montréal, QC)
Échangeur des autoroutes 15 et 640 (Boisbriand, QC)
Échangeur des autoroutes Charest et Robert-Bourassa (Québec, QC)

 

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