Assemblage antiglissement et tour d’écrou : quelques détails pratiques pour les ponts

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26 Octobre 2015

Catégorie : Conception  -  Publié par : Yannick Martin

Tel que présenté dans notre article publié le 23 juillet 2015 qui s’intitule « Assemblage antiglissement : le tour d’écrou comme méthode d’installation », le serrage avec la méthode du tour d’écrou est basé sur le déplacement relatif entre l’écrou et la tête de boulon pour développer la force de précontrainte dans le boulon. Cette précontrainte génère une force normale entre les faces en contact, et ainsi, la résistance en friction nécessaire dans un assemblage antiglissement apparaît.

Le principe est simple et plusieurs détails entrent en jeux en pratique. Cet article présente quelques points à considérer lorsqu’on conçoit, exécute ou inspecte un assemblage boulonné antiglissement réalisé avec la méthode du tour d’écrou.

Serrage par la tête et serrage par l’écrou : différences et restrictions

Lorsqu’on effectue un serrage contrôlé avec la méthode du tour d’écrou, une partie du boulon (la tête ou l’écrou) est fixe, alors que l’autre est mobile et tourne dans son axe. Le choix de la partie mobile et de la partie fixe s’effectue au cas par cas. C’est habituellement l’accessibilité de la tête ou de l’écrou avec les équipements de serrage qui va motiver le choix. Par exemple, la clé à mâchoires sera utilisée lorsque l’extrémité du boulon est dans un environnement restreint ou difficile d’accès, alors que l’équipement de serrage, plus massif, sera utilisé du côté où il y a le plus de dégagement.

Cle-machoires
Clé à mâchoires

Même si on l’appelle le tour d’écrou, la tête du boulon peut tout aussi bien être la partie mobile lors du serrage. En effet, lorsqu’il est impossible de tourner l’écrou, la rotation de la tête du boulon est acceptable. Bien que la norme canadienne CAN/CSA S6 (art. A10.1.6.5) ne requiert pas que les boulons A325 installés dans des trous standard soient serrés avec des rondelles, certaines entités gouvernementales peuvent demander à avoir systématiquement une rondelle durcie sous la partie mobile du boulon (par exemple, au Québec : Cahier des charges et devis généraux (CCDG) art. 15.7.6.1.1 a).

Attention, avec l’utilisation de boulons A490 installés dans des trous standard, la norme canadienne CAN/CSA S6 (art. A10.1.6.5) impose l’utilisation d’une rondelle sous la partie tournée (tête ou écrou).

Nombre de filets qui sortent de l’écrou

Malgré la croyance populaire, il n’est pas nécessaire d’avoir une longueur minimale de trois filets qui dépasse de la face extérieure de l’écrou pour développer pleinement sa capacité. En fait, selon la norme CAN/CSA S6-14 (art. A10.1.6.7), l’extrémité du boulon doit simplement atteindre ou dépasser la face extérieure de l’écrou pour être considérée acceptable.

Comme dans le cas des rondelles durcies, certaines entités gouvernementales peuvent avoir des exigences particulières à cet égard. Par exemple, au Québec, le CCDG demande que l’extrémité filetée des boulons excède l’écrou d’au moins 3 millimètres, soit 1/8 de pouce.

Séquence de boulonnage pour les grands assemblages

La séquence de boulonnage pour les grands assemblages s’effectue en posant d’abord les boulons dans la partie la plus rigide de l’assemblage, et en progressant vers la partie la moins rigide. Les boulons sont d’abord serrés à bloc en suivant cette séquence. Ils sont ensuite serrés, par exemple, avec la méthode du tour d’écrou, en suivant la même séquence.

Les monteurs d’acier utilisent fréquemment des boulons de travail pour s’assurer que les pièces soient fermement en contact lorsque le serrage à bloc est effectué. Quelques boulons de travail sont distribués dans l’assemblage avant le serrage à bloc. Selon le CCDG (art. 15.7.6.1.1), ces boulons doivent être marqués avec de la peinture de couleur rouge avant le début des travaux pour être facilement repérables. La force de précontrainte dans les boulons de travail peut excéder la force normalement développée par la méthode du tour d’écrou, de manière à amener les pièces fermement les unes contre les autres. Le serrage à bloc et le serrage final des boulons de l’assemblage sont ensuite effectués tels que décrits plus haut. Les boulons de travail sont finalement retirés et la connexion est complétée avec les derniers boulons de l’assemblage final.

Serrage-Final
Outil pour le serrage final
Percussion-pneumatique
Outil à percussion pneumatique pour le serrage à bloc

 

Critères spéciaux pour les boulons galvanisés

Pour une protection accrue contre la corrosion, les boulons peuvent être galvanisés. Les propriétés mécaniques, comme la limite élastique et la limite de rupture du boulon, ne sont pas affectées par la galvanisation. Toutefois, certains détails particuliers sont pris en compte lors de leur fabrication. Par exemple, la norme canadienne CAN/CSA S6-14 (art. A10.1.3.2) donne des indications quant à la taille des filets des écrous galvanisés ainsi que sur la lubrification de ces derniers.

Il est à noter que la protection par galvanisation s’applique aux boulons ASTM A325 de type 1 seulement. Les boulons A490 ne devraient jamais être galvanisés (CAN/CSA S6-14 10.4.5) puisque ce processus les rend susceptibles à la fragilisation par l’hydrogène.3

Réutilisation des boulons à serrage contrôlé

La tension induite dans le boulon par le serrage contrôlé peut causer des déformations permanentes dans la section filetée du boulon. Il a été observé lors de tests1,2 que la capacité en traction des boulons ASTM A325 « noirs » était portée à diminuer après trois cycles de serrage et de desserrage. La capacité des boulons ASTM A490, quant à elle, diminue dès le premier cycle de serrage et de desserrage. Cela explique pourquoi le Code canadien sur le calcul des ponts routiers ne permet pas la réutilisation des boulons A490, mais la permet pour deux cycles pour les boulons A325 noirs (CAN/CSA S6 2014 art. A10.1.6.10). Il est à noter que la norme canadienne sur la conception des ponts routiers permet de réutiliser les boulons A325 noirs seulement; les boulons galvanisés ne peuvent être réutilisés.4 De plus, toujours selon la même référence, les boulons serrés à bloc peuvent parfois demander quelques retouches ou ajustements, comme pour bien amener les surfaces en contact, et que généralement ce n’est pas considéré comme une réutilisation.3

Références

1 R. J. Christopher, G. L. Kulak, and J. W. Fisher, “Calibration of Alloy Steel Bolts,” Journal of the Structural Division, ASCE, Vol. 92, ST2. April 1966.

2 J. L. Rumpf and J. W. Fisher, “Calibration of A325 Bolts,” Journal of the Structural Division, ASCE, Vol. 89, ST6, December 1963.

3 G.L. Kulak, « Boulons à haute résistance dans les ouvrages de génie civil » Institut canadien de la construction en acier, Toronto, 2005.

4 CAN/CSA S6-14. 2014. Canadian Highway Bridge Design Code, Canadian Standards Association, Mississauga, Canada.

Pour toute question au sujet de cet article, contactez-nous.

 

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